Fernand Pifteau et l'histoire de l'édition toulousaine
C’est autour de l’histoire de l’édition toulousaine que Fernand Pifteau développe sa collection, mais aussi qu’il mène l’essentiel de ses recherches, au fil desquelles il rassemble une abondante documentation. Celle-ci est puisée à plusieurs sources : l’examen attentif des imprimés de sa collection ou d’autres bibliothèques toulousaines privées et publiques, les ouvrages de référence, la consultation systématique des sources d’archives locales.
C’est autour de l’histoire de l’édition toulousaine que Fernand Pifteau développe sa collection, mais aussi qu’il mène l’essentiel de ses recherches, au fil desquelles il rassemble une abondante documentation. Celle-ci est puisée à plusieurs sources : l’examen attentif des imprimés de sa collection ou d’autres bibliothèques toulousaines privées et publiques, les ouvrages de référence, la consultation systématique des sources d’archives locales.
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Une passion : les imprimeurs-libraires toulousains
Fernand Pifteau a rassemblé dans plus de 160 dossiers nominatifs l’abondante documentation amassée sur les imprimeurs-libraires. Ils viennent en complément de sa bibliothèque, panel assez représentatif de la production imprimée toulousaine, où
l’on trouve quelques documents exceptionnels pour l’histoire du livre.
Un intérêt marqué pour les débuts de l'imprimerie à Toulouse
Liber Floretus…Toulouse : Henri Mayer, 1489.
Cette édition en caractères gothiques est imprimée en 1489 par Henri Mayer, identifiable par sa belle marque typographique (sorte de logo) placée en fin de volume. D’origine allemande, celui-ci s’établit à Toulouse en 1484 où il reste actif jusqu’en 1496. Le Liber Floretus est un texte didactique, rédigé au 11e siècle, attribué à saint Bernard de Clairvaux, mais aussi à Jean de Garlande ou saint Bonaventure. Cet exemplaire, incomplet des premiers feuillets, est l’un des deux incunables (livres imprimés au 15 siècle) que Pifteau a pu acquérir.
Henri Mayer, l'un des premiers imprimeurs installés à Toulouse
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Nicolas et Pierre Mestrès, des libraires du 16 siècle quasi inconnus
Blaise d’Auriol, In c. eam te. de rescrip. in antiq.… interpretatio. Toulouse : N. et P. Mestrès, libraires : J. Colomiez, imprimeur, 1532
Cet ouvrage de droit canonique rédigé par Blaise d’Auriol, professeur à la faculté de droit de Toulouse, est édité par Nicolas et Pierre Mestrès, qui ne semblent avoir produit que 4 livres entre 1528 et 1538. Cet exemplaire, incomplet du dernier feuillet, était le seul connu par Pifteau, avec celui de la bibliothèque de Carcassonne. Actuellement, 2 autres sont répertoriés.
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Publio Fausto Andrelini. Disticha Fausti... Toulouse : Guyon Boudeville, 1542.
Sur les 160 titres édités par Guyon Boudeville de 1541 à 1561, l’un des principaux imprimeurs-libraires toulousains du 16e siècle, Fernand Pifteau a pu en acquérir 16, soit presque la moitié de ceux présents à la bibliothèque municipale de Toulouse. Ce petit recueil de poèmes de Fausto Andrelini (1462-1518) n’est connu à ce jour que par ce seul exemplaire. Il a appartenu au collectionneur toulousain Charles Barry (1821-1883).
Guyon Boudeville, un imprimeur-libraire bien représenté
Un travail de pionnier sur l'histoire du livre toulousain du 19 siècle
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Pifteau fait figure de novateur dans son intérêt pour le 19 siècle, période longtemps négligée par l'histoire
du livre et encore assez peu défrichée pour Toulouse.
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Fiche récapitulative du dossier Bénichet constitué par F. Pifteau.
Les frères Jean-Joseph et Jean-Marie Bénichet se sont associés vers 1799 en tant qu’imprimeurs-libraires à Toulouse. En mars 1809, la société est dissoute et les 2 frères poursuivent leur activité de façon indépendante. Ils ont publié ensemble principalement des brochures administratives ou liées à l’enseignement, dont beaucoup ont disparu.
Les imprimeurs associés Bénichet frères
L. C. A. T. C***, La Lorgnette du Spectacle de Toulouse, dédiée aux dames. Toulouse : Bénichet frères, [1803 ?].
Cette brochure sur les acteurs et actrices se produisant à Toulouse, dont cet exemplaire semble être le seul connu, se distingue des publications habituelles des frères Bénichet. Elle a été publiée en 1803, selon une longue note de Pifteau. Mais il n’a pu identifier leurs auteurs, cachés sous la formule « L. C. A. T. C***, amateurs ».
L'exemplaire unique d'une publication de Bénichet frères
Dossier constitué par Fernand Pifteau. Fiche rédigée au dos d’un paquet de cigarettes.
J.-M. Douladoure appartient à la 6e génération de l’une des dynasties d’imprimeurs toulousains, présente à Toulouse depuis 1606 (une rue porte leur nom). Il succède à sa mère en 1807 et développe l’entreprise familiale, qui est l’une des plus importantes de Toulouse. On lui attribue au moins 600 ouvrages, dont 133 sont présents dans la collection Pifteau.
Jean-Matthieu Douladoure (1765-1858), héritier d'une dynastie
Catéchisme de l’ancien diocèse de Mirepoix… Toulouse : J.-M. Douladoure, 1832.
Les ouvrages publiés par Jean-Matthieu Douladoure couvrent des domaines assez divers, dont les principaux sont les textes juridiques et administratifs, éducatifs ou, comme ici, religieux. Il édite aussi les Mémoires de l’Académie des Sciences de Toulouse et des Jeux floraux.
Jean-Matthieu Douladoure (1765-1858), héritier d'une dynastie
Une attention particulière à la bibliographie matérielle
Les nombreuses notes laissées par Pifteau dans les livres ou des dossiers témoignent de sa passion pour la bibliographie matérielle : identification des imprimeurs par l’étude des ornements (bandeaux, culs-de-lampe, lettres ornées) ; constitution d’une sorte de banque d’images, restée à l’état embryonnaire ; comparaison des différentes éditions…
François Ducassé, Exercices spirituels… sur la Parabole des talens… Toulouse : Antoine Bréas, marchand libraire, 1676. Et Bernard Labénazie, Dissertatio de tempore, Toulouse : Jean Pech, 1691.
Fernand Pifteau a identifié Jean Pech comme imprimeur de cet ouvrage, édité par Antoine Bréas, par comparaison de ses ornements avec ceux de différents livres toulousains, dont la Dissertatio de tempore de B. Labénazie, imprimée et éditée par Jean Pech en 1691.
Identification d'un imprimeur par les ornements
Guillaume Ader. Enarrationes de aegrotis et morbis in Evangelio. Toulouse : Raymond Colomiez, 1623.
Dans une note collée sur la contregarde de cet exemplaire, Pifteau explique que cette édition de 1623 n’est qu’une nouvelle « émission » de celle de 1620, sans utiliser ce mot qui n’était pas encore d’usage en histoire du livre : « Cette édition… est absolument la même que celle datée M. DC. XX. Colomiez n’écoulant pas l’originale a fait tamponner des chiffres III… Voilà l’explication très simple ».
Comparaison d'éditions
Marque typographique d’Arnaud Colomiès, Original sur I. de Ciron, Opera in jus canonicum… Toulouse : A. Colomiez, 1645. Matrice d’impression (cliché métal monté sur bois) et reproduction.
Les marques typographiques sont les emblèmes (logos) que les imprimeurs faisaient graver sur leurs livres. Pifteau en a fait reproduire un grand nombre par clichage. Les matrices ont été conservées, comme pour les différentes versions de la marque au Palladium Tolosanum utilisée de 1612 aux années 1720 par les Colomiès, une des principales dynasties d’imprimeurs toulousains.
La constitution d'une « banque d'images »
Reproduction d’un alphabet de lettres ornées de l’imprimeur-libraire toulousain François Boude.
Pifteau a fait graver en 1933 par l’artiste Marcelle Sibot, épouse de son ami bibliophile le docteur Sibot, « l’alphabet grotesque » utilisé au 17 siècle par F. Boude pour ses lettres initiales ornées, à partir de plusieurs de ses publications.
La constitution d'une « banque d'images »
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La recherche de documents éclairant l'histoire du livre
Epreuves des caractères de l’imprimerie de N.-Etienne Sens, imprimeur-libraire, vis-à-vis de l’église Saint Rome. Toulouse : Noël Etienne Sens, 1786. Couverture papier.
Ce petit livret contient le spécimen des caractères typographiques utilisés par l’imprimeur Étienne Sens, actif de 1766 à 1812. Il est précédé d’un « Avis de l’imprimeur », véritable publicité pour son entreprise. La liste des caractères débute avec « nompareille » pour s’achever avec « batarde coulée » en passant par
« philosophie » ou « gros canon ».
Échantillons de caractères d'un imprimeur toulousain du 18 siècle
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Constitutions de la congrégation des Filles de l’Enfance... Toulouse : R. Bosc, 1665.
Ce document est, comme l’écrit Pifteau, « une véritable curiosité vu son état », conservé dans son « état virginal ». En effet, ce livre sur l’Institut des Filles de l’Enfance, fondé par G. de Ciron et Mme de Mondeville et démantelé par Louis XIV pour soupçon de jansénisme, est ici « en feuilles », tel que sorti de la presse : les feuilles ne sont ni pliées ni découpées ni assemblées. Chaque grande feuille, imprimée au recto et au verso, correspond à 24 pages.
Un livre dans son « état virginal »
Contrat entre Antoine Birosse, libraire toulousain, et l’imprimeur–libraire montalbanais Jean-Pierre Fontanel pour l’impression de l’ouvrage du père Marin, Van-Hesde ou la République des incrédules. 30 sept. 1761.
Par ce contrat, Jean-Pierre Fontanel s’engage à imprimer ce texte en 2000 exemplaires pour Antoine Birosse, en plusieurs volumes de format in-12, « sur fonte neuve [caractères neufs] de cicero et sur beau papier carré d’Angoulême » au prix de 7 livres la rame, à partir du manuscrit du père Michel-Ange Marin. Il se chargera de l’assemblage. L’ouvrage est publié en 5 tomes en 1762.
Une petite collection d'archives
Une ambition : la bibliographie toulousaine
Fernand Pifteau ne s’est pas contenté de recenser les imprimés toulousains de sa collection. Son ambition était de dresser la bibliographie de tous les imprimés publiés à Toulouse depuis l’origine jusqu’à la première moitié du 19 siècle. Son entreprise, vouée à l’échec tant elle était ambitieuse, n’a connu qu’un début d’exécution. On n’en conserve que plusieurs fichiers d’ouvrages ne figurant pas dans sa collection, un gros registre recensant les éditions toulousaines et le manuscrit de l’avant-propos de son texte.
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Fernand Pifteau. Registre préparatoire de la « Bibliographie toulousaine (1471-1850) ».
Dans ce registre, Fernand Pifteau a commencé à recenser les imprimés toulousains, par ordre alphabétique d’auteurs. Il a travaillé en découpant et collant les notices repérées dans les catalogues de libraires. Le code des indications portées en différentes couleurs n’a pas pu être décrypté. Il n’a rédigé que le brouillon de l’Avant-propos de la Bibliographie toulousaine, où il évoque notamment les raisons pour lesquelles seule une partie des livres publiés, même au 19 siècle, a été conservée.
Registre préparatoire de la Bibliographie toulousaine
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Fiche descriptive de : Guillaume Ader. Lou gentilhome gascoun… Toulouse : Raymond Colomiez, 1610.
Dans un fichier des livres catalogués par Pifteau mais non présents dans sa bibliothèque, on trouve la fiche de cet ouvrage du poète commingeois Guillaume Ader, qui forme la plus vaste épopée écrite en occitan. A noter que cet ouvrage est cependant présent à la BU de l’Arsenal, dans le fonds d’un autre collectionneur toulousain, Frix Taillade (1819-1901).
Un livre que Pifteau aurait aimé posséder
Un manuscrit inachevé sur Jean-Florent Baour
Parmi tous les imprimeurs, Pifteau s’intéresse particulièrement à Jean-Florent Baour (1724-1794), dont il admire l’esprit d’entreprise et la multi-activité débordante. Cet imprimeur a exercé à Pamiers puis à Toulouse et a été directeur et rédacteur des Affiches de Toulouse et de l’Almanach historique du Languedoc.
Fernand Pifteau, Projet de reproduction d’ornements originaux pour illustrer les différents chapitres de son ouvrage inachevé sur J.- F Baour.
Ce manuscrit est le seul ouvrage entrepris par Pifteau. Il est divisé en 14 parties d’importance inégale, à un stade de rédaction plus ou moins avancé. Pifteau cherche à rendre hommage à cet imprimeur et journaliste qui est alors « à peu près un inconnu ». Au-delà des portraits traditionnels des imprimeurs, il est séduit par cet entrepreneur « au caractère fortement trempé » qui « sent toujours la bonne affaire » et a « une formidable puissance de travail ». Souvent tenté par les digressions, il affirme dans son texte une vision très personnelle quoique bien documentée.
Jean-Florent Baour, imprimeur et publiciste
Prospectus annonçant la parution des Affiches, annonces et avis divers de Toulouse : J. F. Baour, 1775.
C’est surtout « Baour publiciste » qui intéresse Pifteau, en tant que directeur, rédacteur et imprimeur du premier journal toulousain d’information locale durable, les Affiches de Toulouse (en 1775-1776, puis de 1781 à 1785) et de l’Almanach historique du Languedoc (de 1778 à 1793). Dans son manuscrit, on ne trouve pas de chapitre consacré à l’Almanach historique du Languedoc, publié par Baour de 1778 à 1793, auquel pourtant Pifteau a consacré par ailleurs de nombreuses notes.