Lorsque Pierre de Fermat meurt en 1665, il a environ 60 ans et n’a quasiment rien publié. Ce magistrat originaire de Beaumont-de-Lomagne, qui a reçu une solide éducation, maîtrise parfaitement le latin et le grec ; il étudie des textes anciens avec l’œil du philologue, il est poète à ses heures, et surtout passionné de mathématiques qu’il exerce en amateur au sens premier du mot.
C’est durant la première partie du XVII siècle que s’opère une transformation radicale dans la manière d’appréhender les phénomènes naturels et que s’impose le programme galiléen de « mathématisation de la nature ». Le mouvement (vitesse, trajectoires, ...) est au cœur des recherches, les savants sont confrontés à l’infiniment grand et l’infiniment petit. Pour assujettir ces infinis au calcul, les mathématiciens vont faire preuve d’audaces fructueuses provoquant des débats tumultueux. En l’absence de journaux scientifiques, la correspondance s’organise à travers l’Europe savante grâce à quelques intermédiaires comme Marin Mersenne à Paris. La plupart des écrits de Fermat ont circulé grâce à ces réseaux, soit dans le corps des lettres, soit dans des feuilles jointes à part qui constituent de courts traités. La correspondance est donc fondamentale pour appréhender l’œuvre scientifique du mathématicien (ainsi que ses préoccupations de carrière ou littéraires). C’est grâce à ces échanges épistolaires émaillés de défis scientifiques à l’intention des savants européens que circulent les idées nouvelles et que Fermat va établir sa réputation. Malheureusement, il néglige souvent de garder des copies de ses écrits, engageant ses correspondants à le faire à sa place (seuls quelques écrits autographes ont été conservés). Cela a beaucoup compliqué la tâche de son fils Samuel quand il a entrepris de publier les œuvres de son père. Il a rencontré bien des obstacles, techniques mais aussi scientifiques, n’étant pas lui-même mathématicien. Neuf ans auparavant, il avait réédité les Six livres arithmétiques de Diophante publiés en 1621 dans une édition gréco-latine commentée par le poète et mathématicien Claude-Gaspard Bachet. Samuel y a ajouté les observations écrites par son père dans les marges de l’exemplaire qu’il possédait, dont l’énoncé de la théorie des nombres (le « Dernier théorème ») devenu célèbre pour avoir résisté aux mathématiciens jusqu’en 1994.
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Toulouse, Jean Pech, 1679. In-folio. Reliure basane, 18 siècle. Resp Pf XVII 25.
Pierre de Fermat, Varia Opera mathematica, présenté par Maryvonne Spiesser.
Maryvonne Spiesser est maître de conférence honoraire en mathématiques et histoire des mathématiques, Université Toulouse III Paul-Sabatier.
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Les Varia opera regroupent les lettres et les traités en latin réunis par Samuel. Fermat y déploie notamment de nouvelles méthodes d’analyse qui préfigurent la géométrie analytique et le calcul différentiel et intégral. Il se passionne pour la théorie des nombres et contribue à la plupart des nouveaux chantiers mathématiques de son siècle. Un portrait de Fermat gravé sur cuivre par François de Poilly (v. 1679) figure en frontispice.
Vu les conditions défavorables dans lesquelles s’était faite l’édition des Varia, et après la découverte de nouveaux documents, une nouvelle publication des Œuvres, aux frais de l’État, fut confiée en 1844 au bibliophile Guillaume Libri, assisté d’un mathématicien beaumontois, Charles Despeyrous. Mais les malversations de Libri ruinèrent ce projet et ce n’est qu’à partir de 1891 qu’une édition enrichie en quatre tomes et un supplément fut menée à bien par MM. Paul Tannery et Charles Henry.
On ignore dans quelles circonstances Fernand Pifteau s’est procuré cet ouvrage, qu’il considérait comme une « belle impression, et très recherchée, mais devenue fort rare ». Cet exemplaire a appartenu auparavant au physicien François Arago (1786-1853) puis au mathématicien Joseph Liouville (1809-1882).