Ce traité fut publié sous le pseudonyme Brives par le musicien toulousain, et maître de danse, Jean Pech. L’autorisation d’imprimer indique 1779. Cet exemplaire, le seul connu à ce jour, apporte des informations uniques et précieuses sur la pratique et l’enseignement de la danse de bal (menuet, allemande, contredanse) dans la seconde moitié du XVIII siècle.
Deux tiers du livre sont consacrés à l’allemande: se dansant à deux (un couple), à trois (un homme et deux femmes) ou à quatre (deux couples), elle consiste en des passages alternatifs sous les bras de l’un ou l’autre partenaire sans se lâcher les mains et en des arrêts dans différentes positions ou tableaux de bras entremêlés pour permettre un déplacement dans l’espace de danse. Brives explique que la « véritable façon de danser à l’Allemande » se nomme la « Boiteuse ». Les maîtres de danse français la jugeant contraire à la bonne grâce l’ont transformée en une manière plus respectable à danser. Véritable phénomène de mode, cette pratique se mêle dans les années 1760 à la forme usuelle de la contredanse en carré à huit danseurs puis évolue vers une forme en couple détaché autour de 1770. En parallèle, Brives évoque déjà la valse et la manière soit allemande soit française de la pratiquer.
Le reste du livre expose les principales figures, dans la contredanse en carré et les menuets français et congo. Le menuet, danse pour couple déjà pratiquée depuis plus d’un siècle au moment de la publication du traité, perdure encore comme l’emblème de la danse française. Pour prétendre à le danser, Brives impose d’abord l’acquisition des bases de la danse, à savoir la connaissance et maîtrise des cinq positions de pied avec les pointes tournées en dehors, ainsi que le plié des genoux et le relevé sur la pointe. Le pas de menuet dispose d’un rapport musical précis détaillé par Brives, comme pour tous les autres pas qu’il décrit. Le chemin sur lequel les deux danseurs évoluent en s’envisageant de manière quasi permanente est en forme de Z. Le menuet congo pour sa part est probablement né dans les colonies françaises. Brives ne donne aucune indication sur l’origine de cette danse, alors que sa description technique est la source écrite la plus ancienne connue à ce jour. Moreau de Saint-Méry, colon martiniquais,
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Toulouse, chez l’auteur, 1779 ? In-8°. Reliure basane, fin 18 siècle. Resp Pf XVIII 422.
Jean Pech, dit Brives, Nouvelle méthode pour apprendre l’art de la danse sans maître, présenté
par Guillaume Jablonka
Guillaume Jablonka, compagnie Divertimenty, est chercheur et praticien de danse baroque.
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l’évoque en 1789. Les transferts culturels donnent lieu à la transformation de certains matériaux de danse par les locaux, blancs, noirs ou mulâtres. Le menuet congo est un menuet par ses figures, mais une contredanse par ses pas, il pourrait bien être l’objet d’un transfert-retour avec l’adoption par la métropole d’une pratique issue des colonies où le mot congo signifie plus généralement noir.
Jean Pech, dit Brives, musicien, est né en 1742 à Montgeard, au sud de Toulouse, à la limite du Lauragais. Il est désigné par les almanachs toulousains (1780-89) comme maître de danse, exerçant rue de la Pomme (proche du Capitole) et décède à Toulouse en 1789. Il joue en 1788 au sein de la bande de violon qui anime le bal en l’honneur de Mme de Cambon, membre distinguée de la noblesse de robe toulousaine, dans la salle des Illustres à l’Hôtel de Ville. Cette double compétence de violoniste et maître de danse est courante à cette époque. Le jeune Pech est d’abord apprenti teinturier. Son oncle par alliance, nommé Jean Brives, actif comme maître teinturier, est témoin de son mariage et parrain de son premier enfant. La mention « Jean Pech, dit Brives » se trouve dans les registres paroissiaux après la publication de son traité sous ce nom d’emprunt.