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     Cette lettre est l’un des rares objets témoins qui restent de la vie de Jean-Baptiste-Charles Paya (1807-1865), d’origine gersoise, établi à Toulouse au n° 9 – aujourd’hui n° 10 – rue Croix-Baragnon dès 1832 comme éditeur, libraire, imprimeur puis co-fondateur et gérant du journal républicain L’Émancipation.

     Il écrit cette lettre en 1855 depuis la prison des Madelonnettes à Paris, au cours de sa sixième année de détention comme prisonnier politique condamné à la déportation, peine commuée en détention à vie, après le procès des Accusés du 13 juin 1849 à Versailles durant lequel, soupçonné d’avoir participé à un complot contre le gouvernement, il n’avait cessé de tenter de prouver son innocence.

     La lettre prend un caractère exceptionnel par les informations que Paya apporte lui-même sur ses lieux de détention avant les Madelonnettes, en citant la prison d’État de Doullens (Somme) puis le centre de Belle-Île (Morbihan). Il ne sortira des Madelonnettes qu’en 1859 à la faveur d’une amnistie pour les prisonniers politiques.

     Paya écrit en tant qu’abonné au rédacteur en chef du journal La Science, Auguste Blum (1812-1878), pour évoquer « une myopie compliquée d’un bourdonnement incessant aux deux oreilles » dont il avait été atteint dès son arrivée à la forteresse de Doullens en 1849. Il raconte qu’un médecin, compagnon de captivité, le docteur Deville, lui avait diagnostiqué que ces troubles provenaient « de l’impossibilité où se trouvait sa vue de s’étendre au loin » et conseillé de porter sa vue à « un plus haut horizon ». Six mois plus tard, transféré à Belle-Île et pouvant chaque jour « fixer à grandes distances quelque objet de la mer », il atteste « qu’en moins de trois semaines, il n’avait plus ni bourdonnements, ni myopie ».

    Le journal La Science parut de 1855 à 1857, à l’occasion de l’Exposition universelle de 1855 à Paris. Un véritable engouement pour les sciences s’était alors manifesté. Est-ce pour cette raison que Paya éprouva le besoin de témoigner de ces conseils médicaux qui l’avaient soulagé ?

     Cette lettre n’était-elle pas plutôt un moyen discret de faire connaître à

Lettre ancienne avec papillon collé.
00:00 / 04:22

Paris, 20 juin 1855. (20,5 x 13 cm.). Papillon collé, avec l’adresse  « M. J.-B. Charles Paya, prisonnier d’État 14897 prison des Madelonnettes, rue des Fontaines-du-Temple… ». Ms Pf 8.

Jean-Baptiste Paya, lettre autographe

à Auguste Blum, présenté par Isabelle Privat.

Isabelle Privat est l'autrice d’un Mémoire de Master 2 Jean-Baptiste-Charles Paya (1807-1865) […] éveilleur de conscience, Université Toulouse Jean-Jaurès, 2018.

Auguste Blum ses lieux de détention passés et celui, actuel, de Paris ? Il a pu fréquenter, avant son arrestation, cet ingénieur fortement engagé auprès des ouvriers qui avait fait paraître le Journal des Travailleurs en 1848.

     Car Paya républicain, qui n’eut pas que des amis à Toulouse, fut vite oublié une fois parti à Paris et condamné à la déportation. La plupart de ses biographes s’arrêtaient à cet évènement.

   Descendante d’Édouard Privat (1809-1887), fondateur des éditions et de la librairie du même nom à qui Paya avait vendu son fonds en 1839, je décidais d’entreprendre des recherches sur le sort de ce personnage. Lorsque j’ai, en 2011, découvert avec émotion dans le fonds Pifteau cette lettre qui m’apportait la preuve de son incarcération, la nécessité d’établir une biographie complète et l’inventaire de son œuvre dans un cadre universitaire, s’est imposée.

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