Marie de Pech naît à Béziers en 1630 où elle est baptisée le 10 décembre. Nous ignorons presque tout de son enfance et de son éducation, sinon qu’elle montre très tôt un goût prononcé et un don pour la poésie. Preuve d’une certaine ambition littéraire, elle présente, très jeune, des poèmes à la Compagnie des Jeux floraux qui sont couronnés à plusieurs reprises. Le 8 octobre 1649, à Narbonne, elle épouse Henri de Calages (1623-1680). Ami et protégé de Pierre- Paul Riquet, il devient receveur du grenier à sel de Mirepoix où la famille s’installe et s’agrandit. Probablement dès septembre 1659, Marie écrit ce poème épique de quelque 5 000 alexandrins, en neuf parties, Judith ou la délivrance de Béthulie qu’elle dédie à Marie-Thérèse d’Autriche à l’occasion de son mariage avec Louis XIV. L’infante d’Espagne conquiert le cœur du roi et, comme Judith, l’héroïne biblique, apporte la paix. En effet, ce mariage, célébré le 9 juin 1660 à Saint-Jean-de-Luz, est une des clauses du traité des Pyrénées qui met fin à l’interminable guerre entre la France et l’Espagne.
Sorti des presses toulousaines d’Arnaud Colomiez, imprimeur ordinaire du Roi et de l’Université, avec privilège royal du 29 avril 1660, l’ouvrage s’orne de deux gravures de Joachim Séguenot, graveur originaire de Paris et actif à Toulouse à cette époque : le portrait de la reine en frontispice s’inscrit dans un ovale de lauriers, surmonté de la couronne de France et appendu de l’écartelé de Castille et de Léon ; la princesse est représentée en buste et de trois- quarts, avec sa parure de perles et sa coiffure mettant en valeur son abondante chevelure blonde ; la seconde gravure montre Judith une fois son exploit accompli; non signée, elle est probablement réalisée par le même Séguenot d’après l’eau-forte que Claude Mellan exécuta en s’inspirant du tableau Judith et Holopherne peint par Virginia da Vezzo. Dans le Discours aux dames, placé en tête de l’ouvrage après l’Epistre à la Reyne, notre poétesse se livre avec une sincérité touchante, notamment lorsqu’elle évoque un dilemme récurrent: «Souvenez- vous qu’une femme tout-à-fait engagée dans l’ambarras d’une famille n’a pas la liberté d’esprit nécessaire pour ces ouvrages... » Les stances A la Reyne qui introduisent le poème et célèbrent la paix et l’amour ont le charme d’une pastorale et comportent néanmoins une note de réalisme. Certains vers du poème peignent les affres de la passion et auraient inspiré Racine. En voici un exemple : Holopherne amoureux de Judith, « Il se cherche lui-même et ne se trouve plus. » Dans Phèdre, Hyppolyte déclare à Aricie : « Maintenant je me cherche, et ne me trouve plus » (acte II, scène II).
Arnaud Colomiez, 1660. In-4°. Ex-libris manuscrit de Charles de Pradel, évêque de Montpellier. Reliure parchemin, 17 siècle. Resp Pf XVII-83.
e
Marie de Calages, Judith ou la délivrance de Béthulie : poëme saint, présenté par
Geneviève Bessis.
Geneviève Bessis est bibliothécaire honoraire de la bibliothèque municipale de Toulouse ; elle fait des recherches sur l’histoire en pays toulousain.
Henri de Calages se rend seul à Saint-Jean- de-Luz pour présenter le livre aux jeunes époux, Marie étant souffrante. L’épithalame remporte un vif succès, comme en témoigne la somme très importante de 10 000 livres remise alors à Henri par de hauts personnages des cours de France et d’Espagne. Marie ne profite pas de cette gloire, car elle meurt en mettant au monde une petite fille en octobre 1661.
L’exemplaire de Fernand Pifteau comporte un ex-libris manuscrit de Charles de Pradel, évêque de Montpellier. Il a peut-être été transmis au prélat par Pierre-Paul de Calages, fils de la poétesse et curé de Lunel.