Fernand Pifteau et sa collection
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Une collection créée de toutes pièces ?
D'où lui est venue cette passion pour l'imprimé toulousain ?
On ne connait ni bibliophile, ni collectionneur, ni éditeur dans l'entourage de Fernand Pifteau. On peut supposer que ses liens avec Prosper Graciette, bibliothécaire de l’école de médecine de Toulouse à la fin du 19 siècle, ont joué un rôle. Il est également possible que la consultation des archives personnelles de Tibulle Desbarreaux-Bernard, grand bibliophile et bibliographe toulousain mort en 1880, que l’on retrouve dans les papiers de Pifteau, ait également eu une influence.
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Comment sa collection a-t-elle été constituée ?
Il semble que Pifteau ait constitué ex-nihilo sa collection, débutée avant l’âge de 30 ans. Réunir une collection de cette taille demande d’importants moyens. Pourtant, le temps devait lui être compté, puisqu’il avait une vie professionnelle active et une vie familiale et ses revenus, certes confortables, n’étaient pas illimités.
Livre de prières manuscrit enluminé. 1791. Reliure maroquin, 18 siècle.
Il semble que Pifteau n’ait reçu aucun document par transmission en dehors de ce livre de prières manuscrit daté de 1791. Il a été réalisé par Pierre Dauban, ancêtre de « sa tante » Valentine Soum, dont il a hérité.
Ce « livre d’heures » s’ouvre sur un calendrier et se poursuit par des prières choisies, en français et en latin. Il est entièrement décoré de bordures à décor végétal ou animal et de quelques illustrations en couleurs.
Un des rares livres hérités par Pifteau
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Catalogue de livres anciens… dont la vente aura lieu le mardi 15 mai… rue Rivals… Toulouse : Imprimerie Marquès, [1894].
On ne sait pas à quel moment et dans quelles circonstances Fernand Pifteau a commencé à constituer sa collection. On peut toutefois affirmer que c’est au moins à 28 ans comme en témoigne ce catalogue de vente de livres anciens à Toulouse où il a noté le prix atteint par la plupart des ouvrages mis en vente et a coché la quinzaine de livres juridiques toulousains qu’il a pu acquérir.
Le premier témoignage d'une passion de collectionneur
Les acquisitions les plus nombreuses de F. Pifteau ont eu lieu dans les années 1920-1930 :
• Dans le circuit marchand traditionnel des ventes publiques toulousaines ou parisiennes et libraires de toute la France et d'Europe :
Recueil de six pamphlets ligueurs imprimés à Toulouse. Toulouse : Raymond Colomiez, 1589.
Ce tout petit recueil de « pièces toulousaines introuvables » est l’une des plus précieuses acquisitions faites par Pifteau. Ces 6 impressions toulousaines de R. Colomiès ne sont connues que par ce recueil, doté au 19 siècle d’une belle reliure en maroquin de Thibaron, relieur parisien mort en 1885 ; il a un « pedigree » séduisant : il a appartenu aux bibliophiles Henri de Béarn, E.-M. Bancel et Édouard Moura. Pour cette acquisition, Pifteau est passé par un courtier pour enchérir à sa place à la vente Moura à Paris, en 1923.
Un achat précieux en vente publique
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• Chez les bouquinistes ou à l'inquet (le marché aux puces toulousain) :
Robert Laurentie. Fernand Pifteau devant un étal de de bouquiniste à Toulouse, vers 1930-1940. (Musée du Vieux Toulouse).
Fernand Pifteau fréquente assidument les étals des bouquiniste ou l’inquet (marché aux puces toulousain) où il cherche à dénicher des pépites, comme en témoigne cette photo prise par Robert Laurentie, médecin gersois passionné de photographie.
F. Pifteau « bouquinant » à l'inquet
© Robert Laurentie
Reproduction soumise à autorisation
• Auprès de particuliers qui lui font des offres :
Pierre Lagnier. Ciceronis… perutile compendium. Toulouse : Guyon Boudeville, [1541]. Reliure veau estampée à froid, 16 siècle.
Ce condensé des œuvres de Cicéron est l’un des premiers imprimés de G. Boudeville. Une note de Pifteau souligne sa rareté et les difficultés qu’il a eues pour acquérir ce livre : « trouvé dans le sous-sol de Mr Maillefay rue des Récollets, au milieu d’un fatras de bouquins (…) sans valeur dont j’avais offert
1000 F et que le détenteur n’a pas voulu céder à moins de 2000 ». Il réussit finalement à se le procurer par l’intermédiaire du libraire parisien Henri Saffroy qui le lui retrouve … chez un libraire toulousain.
Un collectionneur doit savoir être patient...
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À la recherche de la perle rare
La traque de la perle rare anime tous les collectionneurs. Pour Pifteau, la rareté est une vertu cardinale, qui l’emporte sur toutes les autres. Il ajoute souvent aux documents de sa collection des notes à ce sujet, allant de « rare », « quasi introuvable », à « insigne rareté » ou « introuvable ».
Louis Pascal. Désabusement des esprits vains. Toulouse, 1626. Reliure maroquin, 19 siècle.
Écrit par un prêtre sans doute toulousain, ce livre traite de divers sujets scientifiques expliqués par la religion. Pifteau indique dans une note qu’il « considère cet ouvrage…comme d’une insigne rareté ». Ce jugement doit être nuancé à la lumière des connaissances actuelles, puisqu’on en connaît 7 autres exemplaires, dont deux à la bibliothèque municipale de Toulouse.
Une « insigne rareté »
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Affiches et annonces de Toulouse, année 1777. Toulouse : Jean Rayet.
Ce titre est le second journal hebdomadaire d’information locale toulousain, qui a paru de 1775 à 1789. Créé, imprimé et dirigé par Jean-Florent Baour, il est repris par Jean Rayet en 1777, s’interrompt en 1778 avant d’être publié à nouveau par Baour.
Sur son exemplaire de l’année 1777, Fernand Pifteau a ajouté cette note, qu’il a signée et datée, ce qui n’est pas fréquent : « Je pense que cet exemplaire est le seul qui ait survécu ». Il n’a pas été démenti depuis.
« Cet exemplaire est le seul qui ait survécu »
Une collection organisée
Classer, coter, cataloguer
La collection était organisée en trois grands ensembles : les livres et brochures, classés par siècle, avec un numéro d’ordre qui sert de cote ; les gravures, classées par artiste ; les « pièces diverses ». Dans certains cas, tous les types de documents étaient regroupés par sujets.
On conserve les cahiers d’inventaire de sa bibliothèque d’ouvrages régionaux, classés par siècle, avec une numérotation continue et l’indication de la travée du rayonnage où ils sont rangés. Ce numéro est reporté sur des étiquettes collées sur le dos des livres. Les ouvrages en occitan, classés à part, sont signalés par une bande argentée collée au dos. La signification des autres bandes de couleurs reste obscure.
Conserver
Contrairement à beaucoup de bibliophiles, Fernand Pifteau ne faisait pas relier ses livres brochés. C’est finalement une chance pour l’histoire du livre, qui accorde de plus en plus d’importance à l’état des ouvrages tel que parus à l’origine : couvertures papier, livraisons, reliures ordinaires, qui souvent ont disparu lors de leur reliure. Pour mieux les conserver, il réalisait toutes sortes de bricolages.
Cartonnages confectionnés par Fernand Pifteau pour L’histoire de Richard sans peur, Toulouse, 1782 et Remarques sur le lait clarifié. Toulouse, 18 siècle.
Ces 2 brochures sont revêtues d’un cartonnage confectionné par Fernand Pifteau avec du papier argenté de récupération (paquet de cigarettes ?) pour L’histoire de Richard sans peur (Toulouse, 1782) et du papier décoré ancien pour Bogues, Remarques sur le petit lait clarifié (Toulouse, 18 siècle).
Cartonnages confectionnés par Fernand Pifteau
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