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     Soit un livre qui n’existe qu’à peine: 6 livraisons sur 20 et quelques prévues, 17 (peut- être 19) lithographies, un texte qui s’interrompt au milieu d’un mot, p. 96... Voici ce qui reste d’une tentative originale de diffusion artistique dont on ignore les commanditaires, qui n’est connue que par cet unique exemplaire.

     Toulouse avait retrouvé en 1827 les expositions d’œuvres d’art, comme sous l’Ancien Régime. On avait joint les produits de l’industrie. Et le succès est vif en 1829, 1835, 1840. La surface d’exposition double : le public peut voir de la peinture fraîche, des tableaux venus de Paris, et, en grand nombre, des œuvres locales qui témoignent du rayonnement de l’école des beaux-arts. Si les Salons parisiens sont très médiatisés, il n’en est pas de même en province. On ne conserve le plus souvent que le rapport du jury officiel et les comptes rendus de la presse locale. Toutefois, en 1840, le Journal de Toulouse consacre 5 articles à l’exposition et la Gazette du Languedoc 13.

     Publier un examen critique et indépendant, sous la forme attractive d’un beau livre très illustré, peut être lu comme une tentative de prise de pouvoir intellectuel d’un groupe d’artistes et d’amateurs, pleins de défiance vis-à-vis du jury officiel auquel ils reprochaient son entre-soi. On ne voit pas d’équivalent dans cette volonté d’allier texte et image.

     La plume du comité éditorial était déléguée à Louis Dupau (1813 ?-1883), un homme qui s’était formé dans la Revue du Midi de Jean-Baptiste Paya. Il était riche de capacités, mais la mésentente des commanditaires fit capoter l’entreprise. Dupau l’écrit plus tard : « Quelques avis contradictoires ayant été émis à l’endroit des pièces justificatives, des divisions s’ensuivirent, et le travail se trouva interrompu au moment d’être terminé. » Le lecteur est un brin frustré, car la visite de l’exposition en reste aux prolégomènes. La plume du journaliste, assez allègre et souvent superficielle, ne recule pas devant d’inutiles envolées comme les plaintes devant l’obligation de laisser à la porte cannes et ombrelles ou le danger des corsets féminins... Les lithographies, publiées sans ordre, renvoient à des scènes de genre et assez peu aux œuvres essentielles de l’exposition.

Couverture papier. Beaux-arts au Capitole de Toulouse. 1840.
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Toulouse, Armand Dieulafoy, 1840. 6 livraisons, In-8°. Couvertures papier. Resp Pf XIX 552 bis.

Louis Dupau, Les beaux-arts et l’industrie au Capitole de Toulouse, en juin 1840, présenté par Louis Peyrusse.

Louis Peyrusse est maître de conférences honoraire d'histoire de l'art à l'Université de Toulouse Jean-Jaurès ; il a travaillé sur le 19    siècle toulousain.

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Est-ce l’échec de l’entreprise qui a poussé l’éditeur, Armand Dieulafoy, à publier un panorama de 16 planches de lithographies à la plume dessinées par Léon Soulié, un rarissime exemple de « reportage » graphique sur une exposition ?

   Louis Dupau prit sa revanche en dirigeant le volume Le Routier des provinces méridionales, annoncé chez Dieulafoy mais publié en 1842 chez M. de Pablos, un gros in-4° de 554 pages, dont Pifteau possédait d’ailleurs un exemplaire, dans lequel figure, ce qui est rare, la couverture d’une des livraisons. Dans ce faux keepsake (album que l’on offrait en cadeau, où se mêlaient littérature, histoire, voyage et images), à côté de ses nombreuses contributions, il insère deux articles écrits pour le volume de 1840. Mais il ne fit pas carrière dans la critique d’art ; il devint conseiller de préfecture et sous-préfet avant de mourir à Toulouse en 1883.

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