Un bibliophile plus atypique
Pour Fernand Pifteau, la bibliophilie n’est pas un but en soi. Les pièces de sa collection servent à retracer l’histoire de l’imprimerie toulousaine, mais aussi l’histoire tout court, et à montrer la couleur et les tendances d’une époque. C’est leur nombre qui permet de voir les évolutions, de faire des comparaisons, ce qui exige de s’écarter des chemins balisés de la bibliophilie.
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Peu importe l'état pourvu que ce soit toulousain
Pour tous les types de documents, on trouve dans la collection de Fernand Pifteau des exemplaires, souvent modestes, qui sont dans une « condition » qui ferait frémir d’horreur un bibliophile averti. Ces documents en mauvais état sont souvent très rares. D’autres, assez courants, ont été considérés comme des témoignages utiles.
Anicet Caufapé. Réflexions singulières sur le fréquent usage de la saignée. Toulouse : Dominique Desclassan, 1696. Reliure parchemin, 17 siècle.
Cet ouvrage, qui n’est recensé que dans trois autres bibliothèques, fait suite au traité Nouvelle explication des fièvres, du même auteur, également présent dans la collection Pifteau. Anicet Caufapé, originaire de l’Albigeois, a fait ses études de médecine et a exercé au 17 siècle à Toulouse, Narbonne, puis en Angleterre.
Un livre rare très détérioré
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Jules Léotard. Mémoires de Léotard. Paris, 1860.
Jules Léotard (1838-1870), inventeur du trapèze volant (et du justaucorps), a exercé sa courte carrière à Toulouse, à Paris et dans toute l’Europe. Cet exemplaire de ses Mémoires, en très mauvais état, n’était pas intégré à la bibliothèque Pifteau mais inclus dans un petit dossier sur Jules Léotard et son père Jean, gymnaste à Toulouse. Heureusement, la gravure lithographiée, par le peintre caricaturiste Émile Durandeau (1830-1889), est intacte.
L'invention du trapèze volant
Étiquettes au nom du vendeur d’eau toulousain Souillard. Fin 18 siècle ?
À partir de 1769, les capitouls ont autorisé à Toulouse l’activité des vendeurs d’eau privés, devant l’insuffisance de l’approvisionnement public. L’entrepreneur Souillard ne semble pas être répertorié. Son adresse à la Dalbade laisse penser qu’il puisait l’eau dans la Garonnette, qui n’était pourtant pas réputée pour sa salubrité. L’opération de clarification de l’eau consiste à la débarrasser de ses impuretés en éliminant les matières en suspension. Malgré leur état, Pifteau n’a pas hésité à acquérir cette pièce qui, comme il le note, est « très rares ».
Un rare témoignage d'un vendeur d'eau toulousain
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Étiquettes au nom du vendeur d’eau toulousain Souillard. Fin 18 siècle ?
À partir de 1769, les capitouls ont autorisé à Toulouse l’activité des vendeurs d’eau privés, devant l’insuffisance de l’approvisionnement public. L’entrepreneur Souillard ne semble pas être répertorié. Son adresse à la Dalbade laisse penser qu’il puisait l’eau dans la Garonnette, qui n’était pourtant pas réputée pour sa salubrité. L’opération de clarification de l’eau consiste à la débarrasser de ses impuretés en éliminant les matières en suspension. Malgré leur état, Pifteau n’a pas hésité à acquérir cette pièce qui, comme il le note, est « très rares ».
Un rare témoignage d'un vendeur d'eau toulousain
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Un intérêt particulier pour les éditions ordinaires du 19 siècle
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La collection Pifteau est particulièrement intéressante pour le 19 siècle. Certes, cette période était loin d’être négligée par les bibliophiles contemporains de Fernand Pifteau. Mais ils sont peu nombreux à s’être intéressé autant que lui aux publications ni littéraires ni scientifiques, parfois devenues très rares malgré des tirages souvent plus importants qu’aux siècles précédents, car elles n’ont été achetées ni par les bibliothèques ni par les collectionneurs.
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François-Auguste Laussel. Les images, ou Introduction aux principes de lecture… Toulouse : F.G. Bellegarrigue, 1816. Broché, couverture ajoutée par F. Pifteau.
Cette méthode de lecture, expérimentée dans plusieurs écoles primaires toulousaines « de l’un et de l’autre sexe », est l’une des centaines publiées au 19 siècle. L’auteur, prêtre, puis juge de paix et enseignant, fait une large place aux images, gravées par le toulousain Jacques Bernard Mercadier. L’enfant apprend d’bord les voyelles et leur son, puis les consonnes, puis les syllabes.
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Une méthode de lecture par l'image au 19 siècle
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Hugues Coudol. Gymnique française ou méthode pour servir à l’éducation physique… Toulouse :
A. Chauvin, 1864.
Huges Coudol, alias « Cadet de Moissac » est un professeur de boxe et de savate réputé au 19 siècle. Jules Vallès le décrit comme un « méridional vif et plein de confiance en lui » dans la relation qu’il fait de son combat à Toulouse contre le célèbre boxeur Charles Lecour (La Rue, 1866). Il rédige le premier manuel de lutte française, illustré de 34 vignettes qualifiées de « magnifiques ». On n’en recense que deux autres exemplaires.
Le premier manuel de lutte française
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Tous types de documents écrits ou figurés
Brochures
La collection de brochures de Fernand Pifteau est peut-être la partie la plus précieuse du fonds : par son ampleur (plus de 3 500 titres, 4 000 exemplaires), par sa remarquable diversité, et par le nombre de documents rares qu’elle contient.
Arrestum sane sine Ordinationes vel Statuta contra Tutores & Curatores. Toulouse : Nicolas Vieillard, 1535. Cartonnage, 19 siècle.
Cette petite brochure de 13 pages est le seul exemplaire répertorié de l’édition de 1535 de l’ordonnance faite en 1318 par Raoul Rousselet, évêque de Laon, et Jean, comte de Forez, délégués du roi Philippe V pour réformer les dispositions sur les tutelles et curatelles des Coutumes de Toulouse. Il s’agit sans doute de la première version imprimée. La page de titre est ornée des armes de France.
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La plus ancienne brochure de la collection
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Antoine Sanguin. De lauctorité de reverendissime Monseigneur le cardinal de Meudon... [Toulouse, 1550].
Ce mandement de l’archevêque de Toulouse Antoine Sanguin (1493-1559) est un appel à dénonciation des mauvais chrétiens : les hérétiques et tous leurs soutiens, les prêtres mariés ou en concubinage, etc. Il est daté de 1550, le jour et le mois étant laissés en blanc.
Le mot placard est l’ancienne appellation des affiches, désignant des documents destinés à être placardés.
Le plus ancien placard de la collection
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Freydier. Mémoire pour demoiselle Marie Lajon, demanderesse… pour crime de rapt contre le sieur Pierre Berlhe. Sans lieu, vers 1750.
Dans ce factum (mémoire juridique) publié vers 1750, l’avocat nîmois Freydier défend Marie Lajon, toulousaine, contre Pierre Berlhe, accusé de « crime de rapt » (enlèvement d’une jeune fille à ses parents par violence ou, comme ici, par séduction). Le jeune homme est de plus accusé d’avoir abandonné sa victime en emportant la clef de la ceinture de chasteté qu’il lui avait imposée. Ceci explique que Pifteau ait placé ce document dans un dossier intitulé
« Curiosa, procès scabreux et causes scandaleuses ».
Un « procès scabreux »
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Exposition internationale 1887. Ville de Toulouse. Chars et groupes de la Cavalcade. Toulouse : R. Thomas et cie, 1887.
L’exposition internationale de 1887, fête du commerce, de l’industrie, de l’agriculture, des sciences et des beaux-arts, est la seconde organisée par la ville. Elle a donné lieu à une grande cavalcade de chars et des défilés de groupe, ici reproduits (char de la rue Alsace-Lorraine, char des cinq parties du monde, char des bouchers…, groupe de la pipe ambulante, noce cauchoise…).
L'exposition internationale de 1887. Souvenir des festivités
Périodiques
Fernand Pifteau a aussi collectionné les périodiques locaux : soit des numéros isolés, soit des collections suivies de journaux, revues locales ou annuels.
Années 1813, 1824, 1832, 1835 du Calendrier utile aux gens d’affaires… Toulouse, Bellegarrigue.
Ans XI (1802-1803) et XII (1803-1804) du Calendrier de Toulouse… Toulouse, Hénault.
On trouve dans la collection de belles séries d’almanachs locaux des 18 et 19 siècles, où l’on trouve calendriers et informations variées. La plupart ont conservé leur fragile couverture en papier dominoté (papier décoré dont le motif est imprimé à partir d’une planche de bois gravée et les couleurs appliquées au pinceau ou au pochoir). Comme c’est souvent le cas, les séries sont rarement complètes.
Exemple de petits almanachs
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Vieux papiers, feuilles volantes ou ephemera
L’imprimé ne se réduit pas au livre, ni même aux brochures et aux périodiques, mais englobe un vaste ensemble de documents éphémères de formes et d’usages variés : imprimés commerciaux, imagerie, tracts, menus, invitations… Produits en masse, il n’en reste pourtant que peu de traces et ils ont longtemps été oubliés de l’histoire de l’imprimerie. Appelés vieux papiers par les collectionneurs, il devient habituel de les désigner par le terme anglais ephemera ou par sa forme francisée éphémères.
Passionné par l’imprimé toulousain sous toutes ses formes, Pifteau a recherché ces témoignages modestes, au moins pour la période antérieure au 20 siècle. Cette partie de sa collection n’a pas encore été répertoriée.
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Sélection d'imprimés éphémères sur le thème de la religion (18 -19 siècle)
Images pieuses, billet de décès, documents d'admission à
des sociétés charitables...
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Sélection d'imprimés éphémères sur le thème de l'économie (18 -20 siècle)
Cartes de commerce, documents publicitaires (dont un
en occitan, facture à entête...)
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Documents figurés et manuscrits
L’imprimé est au cœur de la collection, mais on y trouve aussi quelques manuscrits ou archives, de types très divers. Dans ce domaine, le partage entre les pièces destinées à la vente et celles destinées à enrichir sa collection n’est pas toujours net. Les documents figurés, sans être la partie la plus importante du fonds, forment un ensemble intéressant. Là encore, ceux destinés à la revente et ceux destinées à intégrer la collection ont été mélangés.
Jean-Pierre de Méja. « Ramassadis gascou, recul II Theatre gascou… IV Cansous ». 3 vol.
Fin 18 siècle.
Le chevalier de Méja (1728-1814) a consacré les dernières années de sa vie à la rédaction de plusieurs importants recueils, dont Le Ramassadis gascou, qui rassemble des ouvrages imprimés et manuscrits d’auteurs ayant écrit « dans le dialecte en usage à Toulouse ». Les seuls témoignages conservés sont les 4 volumes de la collection Pifteau. Trois forment la partie IV consacrée aux chansons. Sauf dans cet exemple, au volume III, la musique n’est pas transcrite.
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Un des premiers collectages de chansons occitanes
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« Liste des personnes détenues dans la maison de la Visitation depuis le cinq aoust mil sept cent quatre vingt treize ». 1793-1794.
Ce registre contient la liste des 646 personnes qui ont été incarcérées pendant les années 1793 et 1794 dans l’ancien couvent de la Visitation, transformé en prison sous la Terreur (à l’emplacement du 41 rue de Rémusat). Elles sont inscrites par ordre d’entrée, avec leurs noms, âge, qualité et adresse, ainsi que la date de leur sortie.
Registre d'écrou de la prison de la Visitation à Toulouse
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Heybrard, fabricant à Toulouse. Emballage de planches de cartes à jouer. 19 siècle.
Plusieurs documents indiquent que Pifteau collectionnait les cartes à jouer. Il semble ne rester que quelques bribes de sa collection,
« dissimulées » dans un gros registre inutilisé : quelques planches ou cartes à l’unité, des étiquettes, des fragments d’enveloppe, des factures. Toulouse a été un petit centre de production de cartes à jouer depuis le XV siècle. Le cartier Heybrard ne semble pas être répertorié.
Rare témoignage d'un cartier toulousain
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Joseph-François Foulquier. Matelot provençal avec son grand caban ou grande veste. Eau-forte d’après Louthenbourg. 1768.
Peintre-graveur né à Toulouse, Joseph-François Foulquier a été conseiller au parlement de Toulouse et intendant de la Guadeloupe et de la Martinique. Cette gravure sur cuivre fait partie de la suite d’estampes sur les matelots qu’il a gravées d’après le peintre Louthenbourg. Elle comprend un frontispice et quatre « matelots ». Cet exemplaire provient d’un album constitué par F. Pifteau intitulé « Graveurs toulousains ».
Une eau-forte de Joseph-François Foulquier
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Pagès. Fête foraine. Lithographie. Toulouse, atelier Raynaud frères,vers 1860 ?
L’atelier de lithographie des frères Raynaud est actif à Toulouse des années 1840 aux années 1860. Cette lithographie, non datée et non titrée, est signée « Pagès », lithographe toulousain primé à l’exposition des Beaux-arts et de l’Industrie de Toulouse en 1865.
« Vené voir Hercule le Luteur »
Album photographique sur les inondations de juin 1875 à Toulouse et Fenouillet. Tirages sur papier albuminé collés sur carton fort. 1875.
Les photographies ne forment qu’une toute petite partie de la collection Pifteau. Mais elles sont souvent inédites, comme dans cet album de 44 photographies, la plupart anonymes, qui présente les ravages matériels causés à Toulouse et à Fenouillet par la crue de la Garonne de juin 1875, qui fit plus de 200 morts. Quelques photographies extraites des albums publiés à cette occasion ont été ajoutées, sans doute par Pifteau. Il a joint aussi deux photographies de petit format, avec légende manuscrite, dont une de la porte Saint-Cyprien.